Histoire de bureau

L’Imperturbable Source de Savoir était vraiment trop gentil. Impossible à nous de lui faire le moindre reproche… Ou peut-être un seul…

Je l’ai vu arrivé de loin. Le pas décidé, je n’ai pas hésité une seconde, je me suis levée, ai regardé ma collègue, lui ai fait un clin d’œil complice, et me suis tirée en retenant mon fou rire. Elle n’avait rien compris. Jusqu’au moment où L’Imperturbable Source de Savoir a ouvert la porte des toilettes. J’avais juste eu le temps de descendre les deux marches devant notre bureau, je me suis retournée pour ne pas perdre une miette de la réaction de ma complice. Elle se mordait les joues interieures pour ne pas exploser… L’Imperturbable Source de Savoir était en train d’uriner… en visant l’eau pour ne pas faire d’éclaboussures. Le bruit était insoutenable ! Impossible de ne pas se retenir de rire. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment elle a pu résister.

Il était exactement midi vingt, lorsque le téléphone de La Cruche sonna. Elle jeta un regard à chaque fille attablée, bomba la poitrine et sortit, d’un ton blasé « Nan, c’est rien, c’est l’heure de ma pilule ! ». Bien évidemment, je n’ai pas pu faire autrement que de pouffer de rire. Son petit cirque dura trois jours, durant lesquels je m’étais appliquée à surveiller l’heure et de lui couper l’herbe sous le pied en lui rappelant sa prise d’hormones. Et bien oui, il fallait bien que quelqu’un s’en intéresse ! Si elle avait manqué une prise, imaginez un peu le désastre d’un pareil oubli…

Durant une courte période (nous parlons tout de même de deux mois), tous les lundis midis, nous retrouvions sur la table commune de la salle déjeuner un poil pubien… A qui appartenait-il ? Pour quelle raison cet indice évocateur de relations sexuelles torrides sur la table de la salle déjeuner s’est-il retrouvé au même endroit, le même jour plusieurs semaines d’affilé ? Le mystère reste entier. Mais bien que nos soupçons se tournaient naturellement sur notre boss et une éventuelle liaison extra-conjugale, faute de preuve, nous nous sommes rabattus sur l’explication la plus plausible : une personne (au vu de l’indice, un homme ou femme très peu impliqué dans l’entretien de son intimité…) oubliait l’étape toute naturelle du « lavage de mains » après sa pause pipi et passait dans la salle de déjeuner le vendredi soir ou le lundi matin… Les recherches sont encore en cours…

Nous avons tous connu une cruche dans notre carrière administrative. Voici son signalement :

Elle parle très fort, fait de grands gestes, porte toujours des chaussures qui font du bruit (bizarrement, même si ce sont des talons plats) et fait de petits pas… Toujours au régime, elle participe à tous les cours de fitness, natation, aquagym du canton… sans jamais avoir une silhouette digne de ces efforts… l’explication est simple : pendant son marathon, ce ne sont pas ses jambes qui se renforcent, mais sa langue… muscle qui ne s’atrophiera jamais chez elle, car il est bien trop souvent sollicité. Un seul nerf relie son cerveau à sa langue, ce que la Cruche pense, la Cruche dit dans la seconde…

En ce qui concerne ses compétences professionnelles, elle ne sait pas écrire deux phrases sans nous prouver qu’elle n’est pas doué pour la rédaction, utilse la police comic, parle avec une voix qu’elle veut suave (limite téléphone rose) et n’oublions pas son principal trait de caractère : c’est une vraie commère. On tendrait à penser qu’elle le fait exprès, qu’elle sur-joue son rôle d’idiote de service, mais tout ceci est dans sa nature et c’est officiel, c’est ELLE qui nous fait le plus rire. Elle ne le sait pas, évidemment, mais elle est une vraie mine d’or pour qui sait écouter et analyser ses actions.